Je ne m'étais jamais intéressée aux combats qui se sont déroulés en Lorraine. Il est vrai qu'on nous a beaucoup parlé des tranchées de Verdun, des taxis de la Marne ou des batailles de la Somme. Mais la Bataille de Lorraine ne m'a pas laissé beaucoup de souvenirs scolaires et les célébrations mémorielles sur notre territoire n'ont pas réussi jusqu'alors à retenir mon attention.
Le centenaire de l'entrée en guerre a aiguisé ma curiosité et je me suis enfin posé la question :
Mais où se situait Haussonville par rapport aux zones de combat ?
René Mercier* rapporte la visite faite le 18 octobre 1914 par le sous-préfet de Lunéville et le député de l'arrondissement aux communes du territoire. On y apprend que Haussonville, comme Vigneulles et Barbonville n'ont pas été occupées et qu'on n'y compte aucune victime et aucun dégât matériel important ; la rentrée des classes à Haussonville s'est faite au jour fixé.
Cette information -rassurante- fut l'une des premières glanées au début de mes recherches. Et pourtant, je vais bien vite découvrir quels jours d'angoisse les Haussonvillois ont dû vivre au cours des deux premiers mois de guerre en août et septembre 1914.
Je ne suis pas historienne et ne veux pas prendre le risque de décrire maladroitement la bataille de Lorraine et je vous renvoie à quelques-unes de mes références. Je ne décris ici que quelques éléments et événements ayant dû impacter la vie de notre village et évoque très sommairement ce qui a fait -à proximité d'Haussonville- la bataille dite de la Trouée de Charmes.
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Haussonville, comme un certain nombre de villages du Bayonnais, voient arriver, dès le début de la guerre, de très nombreuses troupes venues du Sud de la France. Ce sont des régiments de la 1ère Armée du Général Dubail et de la 2e Armée du Général de Castelnau qui cantonnent sur le territoire bayonnais pour se mettre en ordre de marche avant de partir au combat vers le nord et la frontière de la Lorraine allemande.
Près de "chez nous", ce sont surtout les troupes du 15e Corps d'Armée (appartenant à la 2e Armée) qui vont stationner, cantonner, passer, aller et venir. Je ne vais évoquer que quelques-unes d'entre elles.
C'est le 40e RI (15e CA - 30e DI) venu de Nîmes qui s'installe le 7 août pour quelques heures à la Ferme du Corbeau, au Leumont, à Velle, Barbonville, Vigneulles, Saffais. L'Etat Major du régiment cantonne à Haussonville. Le 8 août, le 40e RI se met en mouvement vers le nord.
Composé de 3000 soldats au départ de Nîmes, le régiment, à son retour dans la région de Saffais le 23 août, estime (dans son JMO) à 2200 le nombre de tués, de blessés et de disparus à la bataille de Morhange.
La ligne de crête Saffais-Belchamp (avec l'aimable participation de Geoportail) |
La ligne Saffais-Belchamps devient la ligne de résistance.
Des renforts de Divisions de Réserve de l'Armée des Alpes avaient déjà débarqué en gare d'Einvaux le 21 août : en provenance de son casernement de Sathenay dans le Rhône, le 222e RI (16e CA - 74e DR) cantonne à Haussonville. Il est chargé de creuser des tranchées en avant d'Haussonville et de la Ferme du Leumont pour en assurer la défense.
Le 22 août, le 23e BCP bivouaque à Haussonville après avoir tenté de défendre Lunéville tombé le même jour entre les mains de l'ennemi.
Les Allemands étaient parvenus à franchir la Meurthe et la Mortagne. On a pu craindre leur avancée sur Haussonville en venant de Damelevières. La 30e Division va, le 24 août, se mettre en ordre d'attaque sur Damelevières et Charmois. La 64e Division de Réserve, arrivée les jours précédents de la région de Lyon et mise à la disposition du 15e CA participe à cette opération alors que l'artillerie ennemie commence à tirer, depuis le Bois de Vitrimont sur Saffais, Barbonville et Vigneulles, heureusement sans grosses conséquences. Le 6e Régiment de Hussards qui était stationné à Haussonville se porte sur Vigneulles et Barbonville pour couvrir les attaques de la 30e Division.
Le 25 août, des régiments du 15e CA (111e RI, 40e RI, 61e RI) se battent sur la crête de la Ferme du Leumont et dans la forêt du Bois Brûlé et repoussent les Allemands vers Mont-sur-Meurthe.Les Français se rendent maîtres de Charmois et de Blainville le 25 au soir, sans toutefois pouvoir reprendre Mont-sur-Meurthe.
Au cours de cette terrible journée, la 74e Division de réserve, rassemblée à Belchamp depuis la veille, va appuyer les régiments du 16e CA (223e RI et 36e Colonial) dans les combats livrés à Méhoncourt, Einvaux et Landécourt.
On voit sur la carte jusqu'où les Allemands étaient parvenus le 25 août et chacun sait à quel point Rozelieures, point de passage stratégique des Allemands, a cruellement souffert ce jour-là. Les combats continuent les jours suivants au sud de l'axe Bayon/Lamath : les troupes du 15e CA vont rejoindre celles du 16e CA pour repousser l'ennemi vers la Mortagne.
A Haussonville, se sentait-on déjà soulagé le 27 août par l'éloignement du front ? Sans doute pas vraiment en voyant la 64e Division de Réserve venir s'y replier.
A cette date le QG du 15e Corps d'Armée est installé dans le village. Il y restera jusqu'au 3-4 septembre lorsque l'essentiel de ses troupes recevront l'ordre de mouvement pour rejoindre Vaucouleurs. A nouveau Haussonville sera traversée par de nombreux bataillons et verra partir les soldats qui y cantonnaient. Les habitants apprendront alors que la zone Coyviller, Saffais-Belchamp, Borville restera organisée en potentielle zone de repli et de défense au cas où la 15e Armée ne puisse pas tenir le front établi sur la Mortagne.
Ce n'est que le 11 septembre que les Allemands seront définitivement rejetés de l'autre côté de la Mortagne. N'étant pas parvenus à passer par la Trouée de Charmes au centre, ils attaqueront également en vain par les ailes : à l'est de Nancy, c'est la bataille du Grand Couronné, cet espace en arc de cercle couvert de collines entre le Mont Sainte-Geneviève (Pont-à Mousson) et le Grand Rambêtant (Dombasle) ; au sud-est, la bataille de la Haute-Meurthe (autour de St-Dié).
Les Haussonvillois vont pouvoir souffler un peu et Nancy est sauvé !
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* René Mercier était rédacteur en chef de l'Est Républicain. Il a publié "La grand guerre : la vie en Lorraine, Editions de l'Est Républicain.
Abréviations :
BCP : Bataillon de chasseurs à pied
CA : Corps d'Armée
JMO : Journal de marches et d'opérations
QG : Quartier général
RI : Régiment d'infanterie
Quelques-unes de mes références sur l'histoire de la Bataille de Lorraine :
Si vous voulez remettre cet épisode dans le contexte des Batailles de Lorraine d'août-septembre 1914 (défaite de Morhange, batailles du Grand Couronné et de Haute-Meurthe), je vous recommande le site
du Chtimiste.
Autre site intéressant :
Le blog de Artois1418
Un ouvrage :
La victoire de Lorraine, 24 août-12 septembre 1914, Carnet d'un officier de Dragons , Adrien Bertrand
Et pour aller plus loin :
Hanotaux Gabriel, Histoire illustrée de la guerre de 1914
et les Journaux des Marches et Opérations (site mémoire des hommes)
la bataille dite de la Trouée de Charmes : mon grand oncle Gabriel a disparu dans cette bataille et son corps n 'a jamais été retrouvé
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